Existant depuis 2017, les NFT (pour non-fungible token) ont connu une démocratisation fulgurante en 2021 au point de faire désormais partie du paysage numérique. Popularisé initialement au travers de l’univers de jeux en ligne conçus spécifiquement autour de la technologie blockchain (Cryptokitties), le phénomène s’est depuis étendu à d’autres domaines et en particulier celui de l’art.
Le 11 mars 2021 était ainsi vendu chez Christie’s sous forme de NFT l’œuvre numérique Everydays : The First 5000 Days de l’artiste américain Beeple pour un montant record de 69,3 millions d’euros.
Le NFT est aujourd’hui un actif qui s’échange sur des plateformes plus ou moins règlementées. Si les contours juridiques de ce nouvel outil restent encore à définir et peuvent être par conséquent amenés à évoluer, le droit actuel nous permet en partie de l’appréhender.
Qu’est-ce qu’un NFT ?
Le NFT se définit comme un jeton non fongible ayant pour fonction de représenter un actif qui peut être aussi bien une œuvre de l’esprit comme une musique ou une image virtuelle qu’un objet physique comme une bouteille de vin. Ce jeton va être inscrit dans une blockchain, blockchain qui aura pour objet de certifier l’authenticité de l’actif représenté par le jeton.
Le NFT est donc en premier lieu un certificat d’authenticité.
Le NFT peut se vendre dans des galeries d’art, est-ce une œuvre d’art ?
Le code de la propriété intellectuelle a pour vocation de protéger les créateurs de ce que le droit défini comme étant des « œuvres de l’esprit ». S’il n’existe pas de définition explicite de ce qu’est une œuvre de l’esprit, la jurisprudence exige deux conditions cumulatives :
· L’originalité de l’œuvre, laquelle se déduit de l’empreinte de la personnalité de son auteur et les efforts intellectuels fournis
· Une mise en forme de l’œuvre, ne sont ainsi pas protégée les simples idées
Autrement dit, toute création n’est pas une œuvre. La création, matérielle ou immatérielle, doit pour cela avoir été mise en forme et être l’aboutissement du travail intellectuel de son auteur.
Le NFT est le résultat d’un processus automatisé dit « tokenisation » qui consiste à transformer à l’aide d’une plateforme dédiée un actif, physique ou immatériel, en jeton numérique qui sera inscrit dans une blockchain.
Le NFT ne peut pas, dès lors, être qualifié d’œuvre de l’esprit car il n’est pas une création originale mais le simple produit d’un procédé technique.
Le NFT est donc un jeton qui utilise la blockchain, est-ce donc une cryptomonnaie ?
Depuis la loi PACTE du 22 mai 2019, l’article 54-10-1 alinéa 2 du Code monétaire et financier a introduit la notion d’actif numérique qui englobe notamment les cryptomonnaies.
Pour autant, le NFT ne peut être qualifié de cryptomonnaie ni même de monnaie car il n’est pas fongible. La fongibilité est une des caractéristiques principales de la monnaie. Alors que chaque pièce d’un euro à la même valeur et qu’un bitcoin en vaut un autre, chaque NFT est associé à un actif bien défini et a donc une valeur qui lui est propre. C’est précisément le caractère non-fongible du NFT et sa capacité à individualiser un actif qui en fait tout l’intérêt.
Le NFT est-il quand même appréhendé par le droit ?
La notion d’actif numérique introduit par la loi PACTE est plus large que les seules cryptomonnaies. Sont également qualifiés d’actifs numériques les jetons visés par l’article 522 du Code monétaire et financier : « constitue un jeton tout bien incorporel représentant, sous forme numérique, un ou plusieurs droits pouvant être émis, inscrits, conservés ou transférés au moyen d'un dispositif d'enregistrement électronique partagé permettant d'identifier, directement ou indirectement, le propriétaire dudit bien. »
Cet article a été pensé pour introduire dans le droit français le mécanisme des jetons ICO (Initial Coin Offering), outil permettant de réaliser des levées de fond en proposant à l’achat ces jetons contre des cryptomonnaies.
Pour autant, le NFT répond également à cette définition en ce qu’il est bien un bien incorporel représentant des droits qui peuvent être émis, inscrits, conservés et transférés à l’aide de la blockchain. Le NFT offre en effet nécessairement un droit de propriété sur le certificat d’authenticité d’un actif.
Quelles sont les conséquences de cette qualification juridique ?
La qualification de NFT en tant qu’actif numérique a pour conséquence principale de contraindre les opérateurs qui entendraient réaliser des prestations sur les NFT à s’enregistrer au préalable auprès de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF).
Cette démarche oblige de fait les prestataires opérant dans ce domaine à présenter à l’AMF certaines garanties, notamment d’honorabilité et de capacité à se conformer aux obligations en matière de lutte contre le blanchiment d’argent.
Lorsque j’acquière un NFT, quels sont mes droits sur l’actif lié à cet NFT ?
Le NFT est en premier lieu un certificat d’authenticité. Par défaut, l’acquisition de ce NFT n’accorde donc aucun droit sur l’actif autre que la propriété de son certificat d’authenticité.
Toutefois, le NFT peut dans certains cas être vecteur d’autres droits. Plusieurs plateformes proposent ainsi d’incorporer directement au moment de la création du NFT une cession de droits sur l’œuvre au bénéfice de l’acquéreur du NFT. Mais cette cession de droits peut également être rédigée dans un second temps hors de la plateforme par un écrit entre l’acquéreur et le créateur.
Il est possible d’associer la propriété du NFT à bien d’autres droits comme l’accès à des évènements ou encore l’acquisition d’un bien.
Un exemple local illustre bien toute la souplesse de ce nouvel outil, un vignoble bordelais mettant en vente des NFT de ses bouteilles de vins, lesquels peuvent être librement conservés, cédés ou revendus tout en restant échangeable à tout moment par leur détenteur contre la caisse de vin correspondante.
Je suis créateur et un NFT a été créé sur mon œuvre sans mon accord, que faire ?
L’œuvre de l’esprit est protégée par le droit d’auteur et l’usage d’une œuvre sans autorisation préalable de son auteur et hors exceptions légales s’analyse comme un acte de contrefaçon. Dans une telle hypothèse, la responsabilité délictuelle de la plateforme et du contrefaisant peuvent être engagées.
Vous souhaitez monter un projet autour du NFT et souhaitez sécuriser juridiquement cette opération ? Vous êtes victimes d’actes de contrefaçon et entendez faire valoir vos droits ?
Le cabinet LLC peut vous accompagner dans vos démarches.
Cédric DAVID
Juriste en propriété intellectuelle TIC
Elève-avocat au sein du cabinet Maître LESTURGEON-CAYLA
6 rue de cursol
33000 BORDEAUX
Comments